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«Je dirai toujours Twitter» : pourquoi X, le nouveau nom du réseau social, a-t-il tant de mal à s’imposer ?

Par Amélie RuhlmannLe Figaro
Mis à jour le 13/12/2023 à 20:31

DÉCRYPTAGE – En juillet dernier, Elon Musk avait créé un petit séisme en renommant Twitter «X», sa lettre fétiche. Cinq mois plus tard, force est de constater que l’appellation choisie par le milliardaire peine à emporter les faveurs des utilisateurs.NYMEO dévoile les secrets du rebranding de Twitter en X

Fini Twitter et ses petits oiseaux bleus. En juillet dernier, Elon Musk avait décidé de faire table rase du passé, en rebaptisant le célèbre réseau social de la seule lettre «X». «Nous disons adieu à la marque Twitter», avait-il claironné avant de dévoiler un X blanc sur fond noir, nouveau logo de la plateforme. L’homme d’affaires a eu beau préparer les esprits, ce changement n’a pas manqué d’ébranler les quelque 360 millions d’utilisateurs du site. «J’ai été sonné en apprenant la nouvelle, car je ne pensais pas qu’il oserait», se souvient Thomas, consultant et fervent utilisateur du réseau social. Par «convenance» plus que par résistance, le professionnel continue à évoquer la plateforme par son ancien nom. «Je dirai toujours Twitter», lance-t-il avec aplomb. «Il faut dire que juste une lettre, ce n’est pas très commode…»

Le trentenaire n’est pas le seul à avoir du mal avec cette nouvelle appellation. Comme lui, Julien n’entend pas renoncer au nom «Twitter», qu’il juge bien plus pertinent que l’antépénultième lettre de l’alphabet. «Twitter était le nom de la plateforme mais c’est surtout devenu un verbe, à l’instar de ’googeliser’ pour Google. C’était pratique», remarque-t-il. Fan de basket, ce jeune architecte regrette aussi la disparition du logo emblématique de la plateforme, le fameux oiseau bleu inspiré par le joueur Larry Bird. «Cela revient à jeter au débarras un pan entier de l’histoire d’Internet», tance-t-il…

«Un choix un peu déroutant»

Conservateurs, les internautes ? Les médias le sont tout autant: cinq mois après le changement de nom, nombre d’entre eux continuent toujours de mentionner X en association avec Twitter : «X (ex-Twitter)», «X d’Elon Musk»… Certains journalistes vont même jusqu’à snober la nouvelle dénomination pour se cantonner à l’appellation historique du réseau. «Il faut dire que lechoix de X est un peu déroutant», commentent Pierre Chanut et Mélissa Perraud de l’agence Nymeo, une société de conseil spécialisée dans le «naming», ce segment du marketing centré sur la création et le choix d’un nom de marque.

«Twitter était devenu un générique très fort, ancré dans le vocabulaire quotidien, est-ce qu’il en sera de même avec X ? Cela semble peu probable», estime Mélissa Perraud. L’experte note que la lettre est déjà très connotée, que ce soit dans le domaine des mathématiques ou celui, autrement problématique, de l’industrie pornographique. C’est d’ailleurs ce dernier point qui a poussé l’Indonésie à bannir le réseau social au moment de son changement de nom. Le pays asiatique, en croisade depuis plusieurs années contre les contenus pornographiques, a jugé que le domaine du site n’était pas conforme aux lois du pays, celui-ci ayant déjà été utilisé par de nombreux sites licencieux.

Une obsession de longue date

«Nommer une entreprise mondiale d’une simple lettre pose forcément d’énormes enjeux juridiques, car ce nom est déjà associé à de nombreuses entités préexistantes», étaye la consultante. Preuve en est que l’adresse url de la plateforme est toujours inchangée. Reste que les entraves juridiques n’expliquent pas les réticences du grand public. «Il y a un côté hégémonique et universaliste dans cette lettre unique qui tranche radicalement avec l’image communautaire que véhiculait Twitter, et qui peut-être dérange», avance Pierre Chanut en guise d’explication. «L’hostilité vient certainement du fait que X est directement lié à la personnalité controversée d’Elon Musk», suggère encore l’expert.

C’est peu dire que l’homme d’affaires a développé une véritable obsession pour l’antépénultième lettre de l’alphabet: X.com était déjà l’URL de sa banque en ligne fondée en 1999, devenue plus tard PayPal. En 2017, l’entrepreneur a racheté le domaine X.com auprès du service de paiement en ligne. «J’ai de toute évidence un penchant pour la lettre X», reconnaissait-il avec malice le 30 août 2021.

Les précédents Meta et Alphabet

À défaut de conquérir le grand public, «X» semble emporter les faveurs des associés d’Elon Musk. En juillet dernier, la CEO de l’entreprise, Linda Yaccarino, expliquait les implications de cette nouvelle appellation. «X signifie le futur de la plateforme à savoir une interactivité illimitée centrée sur l’audio, la vidéo, la messagerie, les paiements… X sera la plateforme qui pourra tout fournir», s’enthousiasmait la dirigeante. Un nouveau nom pour un nouveau chapitre, donc. «C’est tout l’enjeu du naming: anticiper la stratégie future de l’entreprise, trouver un nom qui colle avec la façon dont la marque veut être perçue dans 10 ou 20 ans», décrypte Pierre Chanut.

Elon Musk est loin d’être le seul dirigeant à avoir renommé sa marque phare pour aller de l’avant. Les experts se souviennent du cas de Danone, qui a renommé sa gamme de yaourt bio Activia en 2005, ou encore de Mars, qui avait fini par sacrifier la marque «Redder» pour «Twix». Dans le secteur de la tech aussi, on baptise et débaptise à tour de bas: en 2015, Google est devenu Alphabet, en 2022, Facebook a pris le nom de Meta. Reste que ces changements sont loin d’être aussi abruptes que celui que connaît Twitter. «En ce qui concerne Meta ou d’Alphabet, ce sont le nom des entités qui ont changé, mais pas les réseaux sociaux eux-mêmes, ceux qu’utilisent au quotidien les internautes, nuance Mélissa Perraud. Musk aurait pu de la même manière adopter une stratégie plus prudente en associant les deux marques dans un premier temps, c’est-à-dire en introduisant progressivement X en tout en conservant le nom de Twitter pour les utilisateurs».

Est-ce à dire que l’entrepreneur visionnaire a manqué de jugeote ? «Disons que les changements de noms sont toujours un peu minimisés par les entreprises. Le basculement paraît évident, or il ne l’est pas: un nom touche à l’imaginaire, aux habitudes, à quelque chose d’affectif. C’est pourquoi les dirigeants se confrontent parfois à des retours qu’ils n’attendent pas», souligne Pierre Chanut. Malgré toutes ses réserves, l’expert du «naming» ne se fait pas trop de souci pour l’avenir de la marque. «On peut penser qu’à terme ce sera une réussite car le changement de nom reste avant tout une affaire de moyens, et le milliardaire Elon Musk a sans aucun doute les moyens de ses ambitions». Ou quand le S barré est appelé à la rescousse de X…